UE-US Les Européens font barrage à la dinde de Noël américaine
Les gouvernements européens ont définitivement enterré jeudi un projet défendu par Bruxelles mais que les consommateurs n'arrivent pas à digérer: l'autorisation d'importer des volailles américaines désinfectées au chlore.
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La décision a été prise à la quasi-unanimité lors d'une réunion des ministres européens de l'Agriculture à Bruxelles. "Ce n'est pas du protectionnisme", s'est défendu devant la presse le ministre français Michel Barnier, dont le pays préside l'Union européenne. "Les Américains et les Chinois doivent prendre l'habitude de voir les Européens affirmer non pas que leur modèle est le meilleur mais qu'il est différent, et que nous tenons à cette différence" tenant au "souci de préserver un modèle alimentaire européen".
Les Etats-Unis privilégient une méthode radicale pour tuer les bactéries dangereuses dans leur volaille comme les salmonelles en les trempant dans une solution chimique antimicrobienne, contenant notamment du chlore. Cette pratique est interdite dans l'UE où les vétérinaires préfèrent des contrôles d'hygiène préventifs tout au long de la chaîne alimentaire.
Des étiquettes peu ragoûtantes du type "décontaminé par des produits chimiques"
Toutefois en mai, le commissaire européen à l'Industrie Günter Verheugen avait proposé de lever, à certaines conditions, l'interdiction d'importer des poulets américains, en vigueur depuis dix ans. L'enjeu commercial est modeste, l'Europe étant plus qu'auto-suffisante pour ses volailles, mais les partisans de la "bonne bouffe" se sont immédiatement emparés de l'affaire, érigée en bataille pour la défense des poulets de Bresse contre le "chicken" industriel d'Outre-Atlantique.
Face au tollé, la Commission a bien tenté de durcir sa proposition, exigeant que le poulet chloré américain soit clairement identifié dans les rayons, par des étiquettes peu ragoûtantes du type "décontaminé par des produits chimiques". Mais rien n'y a fait. Les experts vétérinaires européens se sont opposés à une levée de l'interdiction, les députés européens ont estimé que les pratiques américaines "ne correspondent pas aux exigences des citoyens européens en matière de sécurité et d'hygiène" et les gouvernements ont fait barrage.
Les pratiques américaines "ne correspondent pas aux exigences des citoyens européens"
"En plein scandales du porc irlandais à la dioxine et du lait chinois à la mélamine, un tel projet fait désordre", a estimé une source diplomatique européenne. L'argument est peu goûté par les Etats-Unis qui ont beaucoup insisté pour obtenir la levée de l'embargo, au nom du libre échange. "La volaille américaine est consommée quotidiennement et en toute sécurité par des millions d'Américains", a plaidé l'ambassadrice américaine auprès de l'UE, Kristen Silverberg, interrogée par l'Afp.
Le revers est particulièrement cuisant pour le commissaire allemand Günter Verheugen, qui avait porté le projet à bout de bras en tant que co-président du Conseil économique Transatlantique, un organe mis sur pied pour aider à lever les obstacles aux échanges entre l'Europe et les Etats-Unis. Sa collègue à la Santé, la Chypriote Androulla Vassiliou, n'a en revanche pas paru bouleversée jeudi. Elle avait hérité il est vrai un peu contrainte et forcée de ce dossier peu après sa nomination en avril, et ne l'a défendu que du bout des lèvres. "Je ne suis pas déçue car je m'y attendais", a-t-elle dit aux journalistes, et "j'espère que nos partenaires américains vont respecter les inquiétudes et la sensibilité des Etats" européens sur le sujet.
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